L’article premier de la loi d’orientation contre les exclusions est rédigé comme suit :
«La lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation.
La présente loi tend à garantir sur l'ensemble du territoire l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l'enfance.
L’État, les collectivités territoriales, les établissements publics dont les centres communaux et intercommunaux d'action sociale, les organismes de sécurité sociale ainsi que les institutions sociales et médico-sociales participent à la mise en œuvre de ces principes.
Ils poursuivent une politique destinée à connaître, à prévenir et à supprimer toutes les situations pouvant engendrer des exclusions.
Ils prennent les dispositions nécessaires pour informer chacun de la nature et de l'étendue de ses droits et pour l'aider, éventuellement par un accompagnement personnalisé, à accomplir les démarches administratives ou sociales nécessaires à leur mise en œuvre dans les délais les plus rapides.
Les entreprises, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles, les organisations syndicales de salariés représentatives, les organismes de prévoyance, les groupements régis par le code de la mutualité, les associations qui œuvrent notamment dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion, les citoyens ainsi que l'ensemble des acteurs de l'économie solidaire et de l'économie sociale concourent à la réalisation de ces objectifs.
En ce qui concerne la lutte contre l'exclusion des Français établis hors de France, les ministères compétents apportent leur concours au Ministère des Affaires étrangères. »
La référence au respect de l’égale dignité de tous les êtres humains mentionnée dans le premier alinéa est essentielle. Les plus démunis vivent chaque jour des situations qui les font douter qu’ils soient égaux en dignité aux autres citoyens. Cette inscription dans la loi a pour eux une signification très forte et concrète.
C’est la première fois que cette reconnaissance de « l’égale dignité de tous les êtres humains » est inscrite dans le droit français. En faire le fondement des politiques de lutte contre l’exclusion crée une grande exigence à l’égard de celles-ci. Si ce souci du respect de la dignité inspire tant les dispositifs mis en place que les formations délivrées aux professionnels et bénévoles en contact avec les plus pauvres, l’espoir sera réel que ces derniers voient leur vie vraiment changer.
Le deuxième alinéa marque également une avancée très importante en exprimant que l’exclusion est une violation des droits fondamentaux qui doit être combattue comme telle. Ainsi, il ne s’agit pas pour la société de faire acte de générosité à l’égard des personnes en grande difficulté, mais de leur rendre justice en les rétablissant dans leurs droits. Cela marque un changement d’approche essentiel pour les personnes concernées, souvent humiliées de devoir se justifier et "étaler" leur vie privée pour satisfaire leurs besoins vitaux, faute d’être suffisamment considérées par leurs interlocuteurs comme sujets de droit. Reste beaucoup à faire pour que la Nation tout entière, et en premier lieu ceux qui sont en contact direct avec les plus démunis, s’approprient cette nouvelle façon de considérer ces derniers1.
Cet alinéa exprime aussi le refus des solutions spécifiques, des droits « aux rabais » pour les personnes démunies : le respect de leurs droits fondamentaux implique qu’elles doivent accéder aux dispositifs de droit commun.
Enfin, il signifie que le champ des politiques concernées par la lutte contre l’exclusion dépasse de beaucoup celui des affaires sociales à laquelle elle est encore souvent renvoyée. Le nombre de ministres signataires de la présente loi (15) en témoigne d'ailleurs. Ainsi, le combat contre la misère devra faire l’objet à l’avenir d’un large travail interministériel. Au plan départemental et local, une même dynamique qui dépasse les cloisonnements entre administrations et entre État et collectivités territoriales devra se mettre en place2.
Par ailleurs, les troisième et sixième alinéas, en énumérant l’ensemble des acteurs qui ont une responsabilité dans le combat contre l’exclusion, expriment la nécessité d’une mobilisation de la Nation tout entière. Chacun des organismes, institutions, acteurs du monde économique... nommés devra rechercher quelle part il prend à cette mobilisation.
(Les quatrième et cinquième alinéas, qui concernent plus particulièrement les organismes et institutions qui délivrent des droits, sont abordés plus loin.)