Le corps, source de honte ou chance de liberté ?

Martine Hosselet-Herbignat

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Martine Hosselet-Herbignat, « Le corps, source de honte ou chance de liberté ? », Revue Quart Monde [En ligne], 220 | 2011/4, mis en ligne le 05 mai 2012, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5238

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Santé

Que je me tienne devant un proche, devant mon médecin, un professeur, un journaliste, devant une assemblée, devant une œuvre d’art ou dans une salle de danse, mon corps parle pour moi. Il révèle ma manière d’être au monde. Comme dans un livre ouvert, l’histoire de mes souffrances, de mes luttes et de mes joies s’y donne à voir et plante le décor d’une relation à autrui qui s’en trouvera affectée.

Trop de souffrances endurées par ce corps étroitement lié à l’être intime de chacun peuvent conduire à la négation, à la négligence, à la honte de soi-même. Pire, quand le préjudice est trop grave, les victimes utilisent parfois un mécanisme appelé « sortie du corps ». Tout en étant physiquement présente à l’agression subie, la personne s’absente psychiquement de la scène, se déconnecte de son corps pour échapper à l’expérience d’anéantissement.1

« Depuis que je fais l’atelier danse, je me sens moins complexée avec mon corps. Je trouve ça dommage d’avoir honte de mon corps. L’image que j’ai de moi a changé : je me rends compte que je suis capable de bouger devant les autres, que je ne suis pas ridicule » analyse une participante à l’atelier danse de Noisy-le-Grand.

« Le corps à exposer, c'est [...] le corps du ‘bon pauvre’ méritant d'être secouru ; un corps apte à jouer avec la visibilité médiatique à travers son aptitude à se montrer propre, sobre, responsable et digne d'attention ; un corps qui risque d'être disqualifié et mis à l'écart à tout instant si ses mots et gestes ne correspondent pas aux principes de la lutte collective » souligne, quant à lui, Lucas Graeff2 à propos d'un combat très médiatisé pour le logement des sans-abri.

Enfermement des pauvres, exploitation de leur force de travail, déplacement forcé de populations, l’Histoire - ancienne et récente - regorge d’exemples d’utilisation mercantile ou normative du corps des pauvres.

A notre époque où les progrès de la médecine prennent de vitesse la réflexion sur le respect de l’être humain, en quoi des procédés nouveaux comme les expériences sur les embryons humains, les dons d’organes, les mères porteuses touchent-ils les populations pauvres ? Dans quels lieux ont-elles l’occasion de débattre des questions liées à la bioéthique, aux neurosciences? Suffit-il que les grands textes internationaux encadrant l’exercice éthique de la médecine et de la recherche en biologie humaine se réfèrent aux droits de l’Homme, pour que les plus pauvres soient protégés ?

Ce dossier n’a bien entendu pas pour ambition d’aborder ces questions de manière exhaustive, mais de dégager des expériences de terrain et des pistes de réflexion qui permettent de les fonder sur l’apport de ceux dont le corps souffre d’être si peu instrument de leur liberté...

1 Voir l’article de Jeanne Mukamusoni, Darius Gishoma, Célestin Sebuhoro, page 34.
2 Voir l’article page 4.
1 Voir l’article de Jeanne Mukamusoni, Darius Gishoma, Célestin Sebuhoro, page 34.
2 Voir l’article page 4.

Martine Hosselet-Herbignat

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