Le placement des enfants, quels en sont les effets ?
A. : C’est plutôt négatif parce que moi ça m’a coupée du monde… Il y a aussi des répercussions par rapport aux enfants qui sont restés chez nous, qui souffrent de cette situation autant que les enfants placés.
G. : Dans un sens, ça peut être positif parce que l’enfant s’épanouit bien, il grandit bien, il évolue bien à l’école. Depuis mars 2008 mes filles sont placées, c’est moi qui l’ai demandé parce que, je ne suis pas excusable, mais je reproduis involontairement la violence que j’ai vécue…
F. : Un placement, tout dépend s’il est choisi, pas choisi… Avec de la communication, on a réussi à avancer dans le même sens et je me suis fait comprendre. Maintenant je pourrais dire que c’est positif parce que les enfants savent que je suis d’accord, que je suis pour, que le papa maintenant est pour aussi.
J-L. : Le fait que j’aie été placé, je ne me souviens plus du tout de mon enfance. Moi, j’ai eu un gros blocage.
S. : Ce que je reproche aux services sociaux c’est qu’ils ne m’ont jamais expliqué pourquoi j’étais placée. Peut-être ma mère me l’a dit, mais moi la seule chose que je me rappelle quand ils sont venus me chercher, ils ne m’ont pas dit où j’allais. J’ai été séparée de mes frères et sœurs. On n’a, ensemble avec mes frères et sœurs, aucun souvenir d’enfance et le seul souvenir que j’ai avec eux, c’est à la Bise (centre de vacances familiales d’ATD Quart Monde).
P. : J’ai été placée moi-même ; j’en suis contente parce que je m’en suis bien sortie. Pour mes enfants, c’est autre chose…
Le placement, on le vit comme une violence
F. : La première année, cela a été super dur pour les enfants. On est passé au juge, deux jours après ils étaient partis. On n’a pas eu le temps d’en parler, de poser les choses.
P. : J’ai compris le placement de mes enfants mais je n’ai pas aimé la façon de faire, une lettre du préfet me disant : on va venir chercher vos enfants tel jour. Pourquoi l’assistante sociale ne m’a pas prévenue avant, n’a pas pris le temps de venir m’expliquer ?
M-T. : Le placement, c’est quelque chose de violent. Personnellement, j’ai toujours eu le placement au-dessus de ma tête comme un couperet qui pouvait tomber, quand on était enfant déjà, ensuite quand j’ai été maman.
I. : Le placement d’un enfant pour moi c’est une déchirure qui reste gravée à vie. J’ai dû malheureusement placer un de mes cinq enfants. Et jusqu’à l’âge de ses dix-huit ans, je culpabilisais. Alors je lui ai posé la question : « Est-ce que tu m’en veux de t’avoir placé ? » Il m’a dit : « Non maman, je te remercie de l’avoir fait parce que si tu ne l’avais pas fait, aujourd’hui je serais peut-être en prison ».
A. : Depuis que les enfants ont été placés, j’ai jamais passé un Noël ni un Jour de l’An avec eux.
Le placement, et après…
P. : Quand Dimitri placé à deux ans est revenu à neuf ans, il a eu un moment de colère parce que - lui-même nous l’a expliqué récemment - il n’a pas trop compris pourquoi il laissait sa maman, puis sa nourrice et pourquoi il revenait chez moi, sa maman. Il était pris entre ses deux mères. Comment se remettre dans le bain du jour au lendemain, comprendre nos enfants quand ils nous demandent des choses qu’on ne peut pas savoir puisqu’on les a perdus sans les perdre ?
Plusieurs ont dit : « Le train de vie que nos enfants ont dans la famille d’accueil, par rapport au train de vie qu’ils ont dans leur famille, c’est pas du tout le même. »
« La famille d’accueil accompagnait l’enfant chez ses parents qui habitaient une cité ; ils ont renoncé à le faire parce qu’ils craignaient de se faire abîmer la voiture… L’enfant n’avait plus toute sa place, non seulement dans sa famille mais aussi dans le quartier où elle vivait ».
« Il est placé dans une famille où tous les deux travaillent. Il a sa chambre à lui, des loisirs, de l’argent de poche… Aujourd’hui, vivre dans son milieu, c’est compliqué pour lui, ça crée des choses et c’est douloureux. Ça fait des conflits entre les frères et sœurs. »
S. : J’ai été placée jusqu’à dix-huit ans. Après j’avais le choix : est-ce que je suis capable de me débrouiller toute seule, ou de retourner avec ma mère ? J’ai choisi d’être en autonomie. J’ai été suivie, je me suis trouvé un foyer de travailleurs, j’ai eu ma vie.
M-T. : Je ne suis pas d’accord quand j’entends dire qu’on ne place pas les enfants sur la précarité, sur la pauvreté. Quand on dit aux enfants, aux familles : on vous place les enfants parce que vous n’avez pas de moyens, pas de logement, ça existe, on le fait. Je l’ai moi-même vécu. Et ça c’est la précarité, ça c’est la pauvreté.