Les droits des femmes : reculs et avancées

Rédaction de la Revue Quart Monde

p. 58-59

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Les droits des femmes : reculs et avancées », Revue Quart Monde, 239 | 2016/3, 58-59.

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Les droits des femmes : reculs et avancées », Revue Quart Monde [En ligne], 239 | 2016/3, mis en ligne le 01 février 2017, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6702

Pakistan : Mesures réelles ou cosmétiques ?1

Une loi consacrée à la protection des femmes a été adoptée à l’unanimité au Pakistan, mercredi 24 février, dans la province la plus peuplée du pays, le Pendjab. Le texte redéfinit notamment la notion de « violence », incluant désormais « toute action à l’encontre d’une femme, y compris l’encouragement à [une telle] action, la violence domestique, les atteintes émotionnelles, psychologiques, verbales et économiques, le harcèlement ou le cyber crime ».

La loi doit encore être ratifiée par le gouverneur de la province pour entrer en vigueur. L’État compte environ 100 millions d’habitants, soit la moitié de la population totale du Pakistan.

Zohra Yusuf, qui dirige la Commission pakistanaise des droits de l’homme (HRCP), un organisme indépendant, a salué l’adoption de la loi et appelé à ce qu’elle soit appliquée. Le texte représente « une vaste tentative de créer un système de prévention de la violence contre les femmes et de protection et réhabilitation des victimes », a-t-elle indiqué dans un communiqué. « [Cette loi] comprend des mesures nécessaires, qui sont louables, mais il est important de rappeler que les changements cosmétiques ou simplement procéduraux n’ont pas eu d’effet dans le passé ».

Outre la définition élargie de la violence, la loi permettra aux victimes de déposer plainte plus facilement. Le gouvernement devra ainsi mettre en place une ligne téléphonique d’aide gratuite à l’intention des femmes, ainsi que des centres de protection et des refuges.

Les atteintes aux droits des femmes, y compris des meurtres sous couvert d’« honneur » ou des attaques à l’acide restent fréquentes au Pakistan, pays de culture patriarcale et conservatrice, en dépit de décennies de lutte pour davantage d’égalité.

Burkina Faso : Le mariage forcé, toujours une réalité2

Bien trop de femmes et de jeunes filles au Burkina Faso n’ont aucun contrôle sur leur vie : elles sont privées du droit de choisir si, quand, et avec qui, elles se marient et si elles souhaitent avoir des enfants.

Une fois mariées, elles sont censées avoir des enfants le plus tôt possible. Les grossesses précoces augmentent fortement le risque de mortalité ou de lésions qui changent le cours d’une vie. Très peu ont la chance d’aller à l’école ou de terminer leurs études.

Nos chercheurs ont parlé avec 379 femmes et filles en 2014 et 2015, recensant les nombreux obstacles les empêchant de bénéficier de services de contraception. Ils se sont entretenu avec 35 victimes de mariage précoce et forcé étant parvenues à s’échapper. En vertu du droit du Burkina Faso, une jeune fille doit être âgée d’au moins 17 ans pour pouvoir se marier, et pourtant plus de la moitié (51,3 %) des filles âgées de 15 à 17 ans dans la région du Sahel (nord du pays) sont déjà mariées. […] Cette loi s’applique uniquement aux mariages enregistrés par l’État - une faible proportion des mariages -, pas aux mariages traditionnels et religieux. 

Des familles marient souvent leurs filles afin de renforcer des alliances familiales, d’acquérir un statut social ou en échange de biens, d’argent et de services. Le rapport évoque aussi la pratique, dans certaines zones, du Pog-lenga ou « femme bonus », selon laquelle la nouvelle épouse peut aussi amener sa nièce dans la famille de son mari comme une jeune fille en plus à donner en mariage. […]

Les filles qui résistent à un mariage forcé subissent une pression énorme de la part de leur famille et de la société en général, et notamment des menaces de violence. Céline, une adolescente de 15 ans ayant fui le jour de son mariage : « Mon père m’a mariée à un homme de 70 ans qui a déjà cinq épouses. Mon père m’a dit que si je ne rejoignais pas mon mari, il me tuerait. » Maria, 13 ans, a fui, marché pendant trois jours et parcouru près de 170 km pour trouver refuge dans un centre d’accueil pour jeunes filles. 

Presque toutes les femmes et jeunes filles interviewées ont dit avoir été insultées ou agressées physiquement lorsqu’elles ont soulevé la question de la contraception avec leur conjoint. Elles ont ajouté qu’elles sont obligées de demander de l’argent à leur conjoint pour acheter des produits contraceptifs, compte tenu du fait qu’elles ne contrôlent pas les ressources financières du ménage.

« Juste avant de tomber enceinte de mon dernier enfant, j’ai voulu profiter de la semaine de gratuité de la contraception, mais je suis arrivée trop tard et elle était déjà terminée. J’ai demandé de l’argent à mon mari. Il s’est fâché. Il s’y opposait systématiquement et chez nous, quand le mari parle, les femmes doivent écouter et obéir. Déjà en temps normal quand on demande de l’argent pour les courses, il en vient aux mains. Vous imaginez alors quand c’est pour des produits contraceptifs. » […] Selon les chiffres officiels, moins de 16 % des femmes ont recours à une méthode moderne de contraception et près de 30 % des filles et des jeunes femmes de 15 à 19 ans en milieu rural sont enceintes ou ont déjà eu leur premier enfant.

Le gouvernement s’est engagé à changer la loi, […] Il a également levé des obstacles financiers auxquels les femmes étaient confrontées dans le domaine de l’accès aux soins durant leur grossesse. L’étape suivante doit être de mettre gratuitement à disposition au moins certains produits contraceptifs que les femmes peuvent utiliser en toute sécurité et discrétion.

[…] Il est crucial que le gouvernement respecte le droit qu’ont les jeunes filles de prendre leurs propres décisions concernant leur corps, leur vie et leur futur. Les engagements récents en faveur de l’élimination du mariage des enfants sont encourageants, mais tant que ces promesses ne seront pas une réalité quotidienne, des jeunes filles en paieront le prix.

Rédaction de la Revue Quart Monde

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