Michel Bonnet, Regards sur les enfants travailleurs

Éditions Page deux, Lausanne, 1998, 231 pages.

Jean-Jacques Boureau

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Michel Bonnet, Regards sur les enfants travailleurs, Éditions Page deux, Lausanne, 1998, 231 pages.

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Jean-Jacques Boureau, « Michel Bonnet, Regards sur les enfants travailleurs », Revue Quart Monde [En ligne], 169 | 1999/1, mis en ligne le 25 mai 2020, consulté le 26 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9369

L’auteur est reconnu comme l’un des meilleurs connaisseurs mondiaux du travail des enfants. C’est dire le sérieux de cet ouvrage qui entend regarder, comprendre, analyser non pas « le travail des enfants » (entité abstraite) mais la vie des enfants travailleurs.

Ce regard fait tout d’abord découvrir, par des exemples concrets, la très grande diversité de leurs situations de travail (familial, artisanal, en entreprise, salarié ou esclave). Une seule caractéristique commune : ils vivent tous sous le seuil de pauvreté et leur règle de vie est de survivre.

Très jeune, l’enfant découvre par le travail familial son rapport aux matériaux, aux outils, aux adultes du village. Puis le passage au travail salarié va détruire ce rapport aux choses, aux outils, aux autres, pour le conduire au travail répétitif, abrutissant, qui lui ôte tout lien social. Il est devenu une force de travail à utiliser jusqu’au bout. Des logiques des parents, des enfants, des employeurs, l’auteur, sans porter de jugement, nous fait découvrir comment on en arrive là.

Pour aller plus loin, il analyse ce que sont les politiques nationales ou comment les États regardent les enfants travailleurs. Il faut bien constater que les textes internationaux (OIT, Convention des droits de l’enfant) ne concernent pas les secteurs et entreprises où travaillent les enfants (travail à domicile, commerces, services, agriculture, artisanat).

De plus, les États occultent souvent l’existence des enfants travailleurs. Il n’y a pas de statistiques. Restent l’opinion publique, les milieux associatifs, les médias. C’est grâce à eux que de nouvelles formes de lutte apparaissent, boycotts de produits, campagnes de lettres … etc. L’auteur s’interroge sur ces actions venues des pays riches, qui, transforment la réalité en un mythe insaisissable (le travail des enfants) et qui défendent peut-être plus les lois du marché que la vie des enfants au travail.

Cependant ces campagnes montrent l’importance du problème.

Pour éclairer ce décalage, il faut regarder le cas des enfants mis en esclavage pour dettes, mais aussi le rôle des grandes entreprises. On ne trouve pratiquement pas d’enfants en leur sein, mais elles les utilisent dans les multiples sociétés qui leur appartiennent, ou par le biais de la sous-traitance. Ainsi les enfants contribuent-ils à favoriser une concurrence féroce dont ils sont les victimes.

Il faut donc s’attaquer à un ordre mondial qui canalise la moindre goutte de sueur d’enfants travailleurs vers ces nouveaux tonneaux des Danaïdes que sont les portefeuilles du grand capital et « tout faire pour éduquer les enfants travailleurs, les éduquer à dire NON, à les conduire à une culture hors de la soumission. »

Dans ce livre, de lecture facile, pas de sentimentalisme, pas de schémas simplificateurs, mais une réflexion qui tente de faire comprendre la réalité et écouter ces enfants.

Jean-Jacques Boureau

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