Face aux interdictions de mendicité

Jean Tonglet

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Jean Tonglet, « Face aux interdictions de mendicité », Revue Quart Monde [Online], 159 | 1996/3, Online since 01 March 1997, connection on 28 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9852

« Samedy après la grand 'messe fut crié à son de trompette de la part de monsieur le prothonotaire Croy que devant le soleil couchant tous estrangiers mendiants et ceulx qui ne se pouvoient entretenir qu'ils eussent à sortir de la Cité, sans nulle aulcune exception ». C'était le 9 avril 1491, à Liège.

Cinq siècles après, les pauvres sont toujours chassés du centre de nombreuses villes d'Europe, le jour aussi.

En France, quelques personnalités et des associations dont ATD Quart Monde ont vigoureusement protesté. Le maire de Quimper, Bernard Poignant, a judicieusement rappelé la législation (La Croix, 7 juillet 1996). Il note que depuis le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur du nouveau code pénal, la mendicité n'est plus un délit. Il souligne qu'un « arsenal juridique » suffit largement à punir les entraves à la circulation, les états d'ivresse, le tapage nocturne...

Ces interdictions de mendicité prétendent peut-être calmer des réactions irréfléchies, elles ne répondent sûrement pas au désir profond de l'électorat.

En Belgique, non seulement la mendicité est interdite dans certaines villes, mais malgré la loi, les centres publics d'aide sociale refusaient aux personnes à la rue leur droit à toucher le minimex. A l'initiative de la cellule ATD des droits de l'homme de la Gare centrale (Bruxelles), de La Ruelle, l'ASUD et des Compagnons du Partage, une « pétition pour une égale dignité » a été lancée en décembre dernier. En voici un large extrait :

« Si les droits des sans-abri sont respectés, il n 'y aura plus de mendicité.

Nous demandons donc pour toute personne :

• l'égale dignité ou le droit au respect : tout homme est acteur de progrès, citoyen à part entière, riche d'expérience, susceptible de participer aux décisions le concernant et d'humaniser nos sociétés ;

• le droit au logement : avoir un chez soi constitue assurément une aspiration fondamentale, un préalable à une vie de famille, à la santé et à un travail ;

• le droit à une sécurité d'existence : l'insécurité quotidienne interdit tout projet de vie aux pauvres et tout particulièrement aux sans-abri ;

• le droit de contribuer au bien-être de tous, notamment par le travail.

Nous revendiquons le respect de la loi, notamment que le minimex soit accordé aux sans-abri pour que ceux-ci ne soient plus contraints de mendier »

A la suite de cette pétition, le minimex est désormais versé aux sans-abri. En signant ce texte, 10 000 citoyens ont proclamé avec les personnes à la rue l'égale dignité de tous les hommes.

Jean Tonglet

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