Il s’agit de 48 h de la vie de Souleymane4 : Guinéen sans papier, il doit apprendre une histoire qu’il présentera comme sienne aux autorités de l’Ofpra5 statuant sur les demandes d’asile. Cette histoire, il essaie avec difficulté de la mémoriser tandis qu’il pédale à un rythme infernal comme livreur à vélo dans les rues embouteillées de Paris. Il se confronte aux préjugés raciaux, à l’injustice sociale et à aux multiples dérives de l’ubérisation du travail. Dans sa course pour livrer, il ne peut éviter les collisions physiques (chute, agression) pas plus que les inquiétudes psychiques (sa mère malade au pays, sa fiancée esseulée, les dangers et violences de son cheminement clandestin dans le désert, la Libye, la Méditerranée). Tout cela vécu en lien très fort avec son désir d’intégration.
Dans ce fracas, tout n’est pas hostile, un peu de bienveillance arrive à surgir chez un autre migrant, un commerçant, un client ou dans les questions insistantes de la responsable de l’Ofpra. Quand Souleymane reprend le fil, non pas de l’histoire « inventée » mais de sa vraie vie, un silence immense s’installe dans le film comme dans la salle de cinéma, tant la vitesse à laquelle notre humanité s’expose à être dévorée a été vertigineuse et sidérante.
Le jeu des acteurs est d’une telle justesse que l’on pense davantage à un documentaire qu’à de la fiction ; c’est la force du 7e art qui réveille ou secoue notre sensibilité, notre empathie, notre révolte face à l’injustice, à la violence, à l’ignorance, à la cupidité et à l’exploitation des personnes les plus précaires6.