Après Porto Alegre, une urgence s’impose.

Troisième Forum social mondial

Huguette Redegeld

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Huguette Redegeld, « Après Porto Alegre, une urgence s’impose.  », Revue Quart Monde [En ligne], 186 | 2003/2, mis en ligne le 01 novembre 2003, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/1935

« Un autre monde est possible », telle était l'affirmation du troisième Forum social mondial organisé en janvier 2003 à Porto Alegre (Brésil), affirmation portée par une ville entière et tous ses habitants, par une centaine de milliers de personnes venues à différents titres proclamer cet autre monde possible, et sans aucun doute par des millions d'hommes à travers la planète. C'était la deuxième participation du Mouvement international ATD Quart Monde au Forum social mondial - un volontaire permanent engagé au Guatemala, Jaime Munoz -Perez, y ayant animé l'an passé un atelier centré sur le partenariat avec les plus pauvres.

C'est avec les yeux et les oreilles, les angoisses et les espérances de correspondants du Forum permanent sur l'extrême pauvreté dans le monde1 que j'ai participé à ce Forum de Porto Alegre. Des rencontres, des tables rondes ou ateliers auxquels j'ai assisté, je retiens, comme beaucoup d'autres participants, une réelle ouverture et liberté dans l'expression d'opinions différentes, parfois divergentes, qui rendaient palpable cette affirmation d'un autre monde possible. Mais si, aujourd'hui comme hier, le défi demeure de passer de l'affirmation à la réalisation, avons-nous suffisamment conscience que celle-ci est déjà en cours grâce à des milliers d'initiatives de personnes et de groupes qui refusent la fatalité de la misère ?

C'est, par exemple, Francisco F. du Pérou qui, confronté à de difficultés graves, écrit : « Voir grand, voir loin, voir de haut nous aide à vivre au milieu des hommes qui luttent pour la vie ». Ce sont ces femmes au Togo qui, épuisées par de durs travaux agricoles, se regroupent sous la dénomination : law-na-acenan, c'est-à-dire « fais, l'univers va t'aider » et créent un fonds d'entraide en cultivant quelques arpents de coton. C'est aussi Ela, chargée du nettoyage d'une gare en Pologne, qui laisse souvent les personnes sans abri utiliser son local technique pour se changer, se chauffer, se soigner, ou même parfois dormir.

Au milieu des analyses et des alternatives proposées pour construire un « autre monde », leurs voix, leurs expériences, leurs analyses seront-elles recherchées, seront-t-elles reçues, auront-elles du poids ? Au Forum social mondial, l'urgence de ne plus percevoir ces initiatives comme des micro-projets louables certes, mais peu efficaces, s'imposait. Il y a urgence de se mettre à leur école et d'apprendre d'elles ce que bâtir un autre monde exige, en engagement durable, en fraternité, en partage... Et au cœur de cette urgence, se trouve l'impératif d'accorder une grande priorité au partage des savoirs, des connaissances, dans une réciprocité respectueuse des cultures et des spiritualités.

Ceux et celles qui œuvrent quotidiennement au cœur de la misère, pour un autre monde possible, doivent avoir toute leur place, en vérité et en liberté, dans ces forums. Ce souhait est à mettre en œuvre sans délai pour les Forums sociaux régionaux (pour l'Europe, en novembre prochain à Saint-Denis en France) et lors du Forum mondial de 2004 en Inde.

1 Ce Forum est un réseau libre de partages d'expériences et de questions entre des personnes et des groupes engagés au sein de communautés vivant dans

1 Ce Forum est un réseau libre de partages d'expériences et de questions entre des personnes et des groupes engagés au sein de communautés vivant dans l'extrême pauvreté. Ce réseau a été créé par le père Joseph Wresinski pour soutenir ceux qui vivent leur engagement trop souvent dans la solitude, l’incompréhension, le manque de moyens. Une Lettre aux amis du monde les relie (publiée trois fois par an aux éditions Quart Monde en anglais, espagnol et français).

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