Pour Anne-Marie Marchetti, « La prison a pour clientèle privilégiée les classes populaires ». Elle brosse un tableau saisissant des conditions de vie des personnes incarcérées aujourd’hui en France. La prison enferme les pauvres et fabrique de la misère.
Le contexte ainsi posé, nous avons tenté d’aller « au-delà des murs » pour comprendre comment les détenus ressentent les peines qu’ils imposent bien involontairement à leurs familles, et comment celles-ci subissent cette incarcération : quelles conséquences dans leur vie ?
Comme ces femmes d’une maison d’arrêt, la plupart des détenus sont culpabilisés et savent pertinemment que les membres de leur famille souffrent moralement et matériellement de leur incarcération : « Eux aussi, ils sont condamnés... ! »
Pourtant, si elle peut être maintenue malgré les difficultés, la « relation familiale » se transforme en force : « Heureusement que j’ai encore mes enfants, sinon j’aurais arrêté de me battre depuis longtemps... J’ai eu la visite de ma Marie (sa femme) et de mes enfants. Si je me bats, c'est à cause d’eux, car ils ont besoin de moi... »
Voir ses enfants, pouvoir leur écrire, leur manifester son affection, c’est la meilleure prévention contre le suicide, nous dit Florence Piworunas de l’association Relais Enfants-Parents.
Bien sûr, les rencontres possibles sont toujours éphémères et fragiles, les moments de séparation après les visites sont toujours difficiles à vivre. Néanmoins les prisonniers peuvent avoir le sentiment d’ « exister » à travers ces moments privilégiés. Comme le dit une des femmes de la maison d’arrêt de Loos : « Si on n’a pas d’émotion, on n’est plus rien ».
Mais justement lorsque la distance est trop grande pour que la famille puisse venir au parloir et si de surcroît elle n’a pas l’habitude d’écrire, alors les relations familiales se distendent et les émotions s’étiolent.
Et s’il n’y a pas de famille ? Et si les ponts sont rompus ? Des personnes, des associations jouent alors un rôle indispensable de lien avec l’extérieur, d’amitié même. Sans un tel soutien, il est bien difficile depuis sa cellule d’entreprendre des démarches administratives ou personnelles. Des associations sont là pour permettre aussi de mettre des mots sur ce que l’on vit ou ce que l’on veut transmettre, comme le tentent quelques radios associatives.
Mais les familles de détenus, qui les soutient ? « Nous aussi, nous sommes enfermées » dit une femme à la sortie du parloir. La vie des femmes de détenus est rythmée par ces demi-heures de visite plusieurs fois par semaine, avec souvent de longs temps passés dans les transports. A la maison, elles doivent faire face seules aux problèmes financiers, aux soucis des enfants, à la honte d’avoir quelqu’un en prison.
Comment ces personnes tiennent-elles le coup ? Les centres d’accueil près des prisons jouent un rôle important pour leur permettre de s’y rencontrer, de se soutenir entre elles, de tisser des amitiés ou des complicités, d’être aidées dans leurs démarches.
Quant au détenu lui-même, pour l’aider dans la prise de conscience de sa situation et dans la préparation de sa sortie, il a besoin lui aussi de relais, de médiateurs. Ce dont témoignent plusieurs auteurs dans ce dossier.