180 | 2001/4L'eau : un bien commun ?

La réalité s’inscrit dans ces chiffres : un milliard et demi d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable, plus de deux milliards, à des services sanitaires et si rien n’est fait, le nombre de personnes privées d’eau potable doublera d’ici vingt ans.

De tels chiffres donnent le vertige. Aussi le débat est-il ouvert depuis plusieurs années : l’eau, droit ou marchandise ? L’ONU et plusieurs de ses institutions, divers États, le groupe des sept pays les moins avancés, des initiatives privées et professionnelles multiplient forums, chartes, déclarations, comités et publications. Nombres de leurs informations sont répertoriées sur la Toile.

S’il est encourageant de voir des hommes prendre le parti de la justice – et donc celui de l’accès à l’eau pour tous – d’en rechercher les moyens financiers et humains, comment accepter que les plus démunis restent absents des débats ? Ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui parcourent des kilomètres à pied chaque jour pour chercher l’eau et la rapporter chez eux, n’auraient-ils rien à dire ? Ces porteurs d’eau devraient-ils rester silencieux tandis que d’autres débattent de la possibilité, ou de l’utilité, ou du devoir de mettre fin à leur travail de forçat ?

Ce dossier leur rend leur droit à la parole. Et leur parole déborde les questions politiques, financières et techniques de l’accès à l’eau potable – qui, somme toute, pouvaient paraître échapper aux simples citoyens que nous sommes. Elle dérange chacun car elle révèle l’évidence que nous voudrions cacher : être privé d’eau, c’est être méprisé.