En France, la campagne pour les élections présidentielles a eu pour thème majeur la sécurité. L’impasse totale a été faite sur d’autres violences communément admises comme la grande pauvreté, les licenciements massifs, l’échec scolaire, l’injustice des échanges internationaux.
En 1968, Joseph Wresinski décrivait ce qu’il appelait la violence faite aux pauvres.1 « Jamais autant qu’aujourd’hui le misérable n’a été l’homme tronqué, l’homme mutilé, privé de sa liberté, de ses droits, de ses pouvoirs, de son honneur et de son amour ; l’homme à qui est faite une violence totale au nom de la raison, de la justice, de l’ordre établi ».
Les universités populaires Quart Monde ont donné l’occasion aux militants de réfléchir à la question de la sécurité pour tenter de gagner en clarté et ne pas laisser parler les hommes politiques au nom des pauvres. Leurs travaux sont unanimes. La plus grande insécurité c’est la peur du lendemain. C’est la peur de ne pas pouvoir payer son loyer, c’est vivre à la rue, c’est avoir peur de ne pas pouvoir payer l’électricité, c’est la maladie, le manque de soins médicaux, c’est la solitude. C’est l’incertitude pour l’avenir de ses enfants et la réussite à l’école, c’est l’impuissance devant l’impasse dans laquelle sont les jeunes. C’est le sentiment de se voir rejeté à cause de son origine. Voilà les insécurités qui frappent les personnes démunies : l’insécurité d’existence, le manque d’accès aux droits fondamentaux.
Face à cette situation d’incertitude chronique les personnes démunies ne cessent de lutter. Vis-à-vis de la délinquance de proximité elles ont expérimenté depuis longtemps les tentatives de dialogue. Devant l’extrême angoisse du racisme, devant les accès de méfiance entre différentes communautés, une militante organise une fête de la fraternité pour qu’enfin les gens recommencent à se regarder à se parler. Des parents s’engagent dans les actions culturelles avec leurs enfants, s’accueillent mutuellement, se soutiennent autant que faire se peut. Ils créent ce que nous appelons du lien social. Les personnes qui vivent à la rue constituent un cercle d’amis pour tenter de se protéger contre tous les dangers.
Toute personne humaine a non seulement le droit mais le devoir de vivre en relation. Qui veut lutter contre l’insécurité doit lutter pour rétablir les personnes dans leurs droits fondamentaux. Qui veut lutter contre la violence, doit aller vers l’autre avec patience. Même si cette solidarité reste fragile, elle ouvre néanmoins le chemin à prendre en refusant de ce fait la répression et l’enfermement. C’est répondre par « la violence de l’amour.2