Onze adolescents d’Aulnay-sous-Bois (banlieue parisienne) nous confient en toute liberté, avec leur franc-parler, leurs questionnements et leurs rêves. Ils nous interpellent depuis ce lieu retranché, où ils vivent, pensent, observent le monde.
Le réalisateur1 a passé deux ans en résidence2 dans le collège Claude Debussy où il a animé des ateliers cinéma/vidéo et réalisé avec les jeunes des courts métrages et un clip. Cela lui a donné envie d’aller plus loin, en faisant un film non pas sur eux mais avec eux.
Le mot swagger qui circule là-bas signifie : fanfaronner, se comporter au monde avec style, relever la tête, garder sa dignité. Il a pour origine les ghettos noirs américains dans les années 90 (et aussi une pièce de Shakespeare – 16e siècle - où il est question de « fanfarons »).
Nous rencontrons des collégiens aux personnalités plus ou moins affirmées, aux caractères bien différents et dont le seul point commun est de ne pas être blanc. Ils s’expriment sur des sujets tels que le bled, les Blancs, les Roms, la cité d’Aulnay, la mode, la télévision, la violence, l’amour, l’école - leur lieu de vie -, le métier, l’avenir, la religion, l’identité nationale, la popularité.
Les entretiens se déroulent dans des couloirs ou des salles de classe déserts. Ils se tiennent devant nous, sérieux ou souriants et - mine de rien - ils disent indirectement à la société française ses quatre vérités. Au hasard : « La première classe de maternelle, ma pire année », « Des Français de souche, c’est quoi ? », « On ne voit pas de Blancs ici, je n’ai pas d’ami blanc », « Si je revivais mon enfance, j’essayerais de parler plus fort », « Mon plus beau souvenir, c’était de venir ici », « Avec la politique, on ne reçoit pas ce qu’on attend, alors ça ne m’intéresse pas vraiment ».
Ne vous méprenez pas : il n’y a aucun ressentiment, aucune accusation de leur part, juste une façon brute et sincère de constater des faits et d’interroger le monde. Leurs visages, leurs regards montrés en gros plan, sublimés, souvent sur des fonds bleus rappellent ceux de Bandes de filles3.
Ainsi nos protagonistes deviennent des héros. Car ces interviews alternent avec des moments de fiction mis en scène, où nous sentons réellement la jubilation qu’ils ont eue à tourner, leur recul grâce à l’humour, et la confiance donnée au réalisateur qui a partagé leur quotidien. L’humour donc, la dérision dominent, que ce soit sur le mode de la comédie musicale, de la science-fiction ou sous la forme de sketches4.
Ni les jeunes ni l’auteur n’ont peur du politiquement incorrect ou de faire exploser les tabous. Émigrés, fils d’émigrés, ils sont les pauvres de leur pays d’accueil et n’en oublient pas qu’ils sont aussi des riches comparativement au bled. Ils n’ont pas d’amis d’origine française, pourtant ils sont en miroir des Français qui n’ont pas d’amis d’origine étrangère. Attentifs, curieux, malicieux, intelligents, dynamiques, ils se posent là, très loin des clichés habituels, notamment sur la violence des banlieues5.
Cela donne le ton du film : une extraordinaire énergie positive et une énorme bouffée d’oxygène qui font du bien en ces temps incertains.