Abdenour Bidar. Les tisserands. Réparer ensemble le tissu déchiré du monde

Paris, Les liens qui libèrent, 2016, 187 p.

Patrick Brun

p. 60

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Abdenour Bidar. Les tisserands. Réparer ensemble le tissu déchiré du monde, Paris, Les liens qui libèrent, 2016, 187 p.

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Patrick Brun, « Abdenour Bidar. Les tisserands. Réparer ensemble le tissu déchiré du monde », Revue Quart Monde, 241 | 2017/1, 60.

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Patrick Brun, « Abdenour Bidar. Les tisserands. Réparer ensemble le tissu déchiré du monde », Revue Quart Monde [En ligne], 241 | 2017/1, mis en ligne le 15 septembre 2017, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6818

Abdenour Bidar est l’auteur de Plaidoyer pour la fraternité et de Lettre ouverte au monde musulman. Nourri par le soufisme, il nous offre aujourd’hui une véritable philosophie des « liens qui libèrent » et une démarche d’engagement pour un monde fraternel. La métaphore des tisserands éclaire bien l’alternative proposée pour « réparer ensemble le tissu déchiré du monde ». La trame de ce nouveau tissage pourrait être constituée de trois sortes de liens : le lien retrouvé avec notre moi profond, « source de vitalité et d’inspiration créatrice » ; le lien retrouvé avec autrui « dans le partage équitable, la tolérance et la coexistence pacifique » ; le lien retrouvé avec la nature, fait d’émerveillement, d’éveil à la puissance de la Vie et de symbiose »1. Les tisserands peuvent se partager le travail : certains choisiront d’être plus spécialement des tisserands du lien intérieur, d’autres du lien social, d’autres enfin du lien avec la nature. Mais tous sont appelés à participer à l’œuvre commune, à nouer leurs liens ensemble à partir d’un horizon commun. L’auteur conçoit ces liens comme fondements d’une vie qui a du sens, quel que soit le nom que chacun donnera à ce qui le transcende, spiritualité pour les uns, religion pour les autres, « vie reliée » pour tous.

Une bonne partie du livre porte cependant sur ce qui est à la fois condition de cette « vie reliée » et fruit, la relation du moi individuel, du « petit moi » au SOI. Les développements du livre explicitent la notion de Soi selon différentes spiritualités et les démarches d’accès à l’intériorité. Le SOI peut être identifié comme source intérieure, « tréfonds créateur » parcelle du TOUT. Unifier ses puissances intérieures dans l’intériorité du soi conduirait, pour l’auteur, et de façon analogique, à ce que maitre Eckart appelle la « naissance intérieure de Dieu dans l’âme ».

A partir de cette analyse, Abdenour Bidar appelle à une véritable révolution dans tous les domaines de la vie collective, politique, économie, écologie. Pour chacun d’eux, il appelle à croiser le « Triple Lien ». Il déploie ainsi ce qui pourrait conduire à une société idéale, utopie mobilisatrice à laquelle il convie plus particulièrement la jeunesse.

Toutes ces perspectives appellent selon l’auteur à s’accomplir dans ce qu’il nomme « l’homme augmenté » non pas tant pour ses capacités de survie illimitées que grâce au processus de « divinisation » qui serait la visée de son utopie transfiguratrice.

Si nous pouvons être séduits aussi bien par le style agréable du livre que par la richesse des références, le projet de société auquel l’auteur nous convie et l’appel à une « vie reliée », en revanche la perspective de « divinisation » semble paradoxale alors que l’auteur récuse l’existence d’un Dieu personnel et annonce la fin de la religion.

1 Cette triple distinction est reprise selon l’auteur à Jean-Pierre Worms dans son ouvrage sur « les créatifs culturels ».

1 Cette triple distinction est reprise selon l’auteur à Jean-Pierre Worms dans son ouvrage sur « les créatifs culturels ».

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