Stephen Frears, Philomena

Film, USA/Royaume-Uni, 2013

Jean Tonglet

p. 47-48

Référence(s) :

Stephen Frears, Philomena, USA/Royaume-Uni, 2013, 98’, coécrit et interprété par Steve Coogan et réalisé par Stephen Frears

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Jean Tonglet, « Stephen Frears, Philomena », Revue Quart Monde, 230 | 2014/2, 47-48.

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Jean Tonglet, « Stephen Frears, Philomena », Revue Quart Monde [En ligne], 230 | 2014/2, mis en ligne le 01 décembre 2014, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7901

Le film Les Sœurs Madeleines de Peter Mullan (2002) nous avait révélé l’existence, en Irlande, de couvents-prisons où furent enfermées des milliers de jeunes femmes, « coupables » d’avoir eu un enfant hors du mariage. Philomena est l’une de ces jeunes filles, mère célibataire dans les années 50 en Irlande. Recueillie avec son bébé par les bien-mal nommées « Sœurs de la Miséricorde », elle expie par un travail dur et astreignant sa « faute » initiale, ne voyant son enfant, « fruit du péché », qu’une heure par jour ! Une heure, une seule heure, mais qui suffit à entretenir un lien avec cet enfant. Jusqu’au jour où cet enfant, âgé de quatre ans, est donné en adoption, contre rémunération, à une famille américaine. Philomena est séparée de son fils, de manière violente. Le réalisateur Stephen Frears fait l’impasse sur ce qui s’est passé ensuite. Philomena a sans doute refait sa vie. Elle a eu une fille, et cinquante ans après, le jour de l’anniversaire de son fils, elle en révèle l’existence à sa fille. « Il aurait cinquante ans aujourd’hui ! », lui dit-elle en lui montrant un médaillon avec une photo de ce fils qu’elle n’a jamais oublié. Philomena veut savoir ce qu’il est devenu et elle rencontre alors un journaliste, Martin Sixmith, une ex-star de la BBC, et ancien collaborateur de Tony Blair, star déchue qui vient de perdre son emploi. Après avoir refusé son aide, il finit par accepter de partir avec Philomena à la recherche de cet enfant. Tout le film se joue alors autour des liens qui se créent entre ces deux personnages que tout oppose : lui est plutôt cynique, rationnel, révolté et a renoncé à toute foi ; elle est profondément croyante, en dépit de tout ce qu’elle a subi de la part de l’Église. « Se souviendra-t-il de moi ? », se demande Philomena quand ils s’envolent vers les USA. Nous ne dévoilerons pas la suite, pour laisser à ceux qui n’ont pas vu le film la chance de la découvrir comme nous l’avons découverte. Le plus important n’est pas là, à mon point de vue. L’essentiel du film, c’est ce dialogue à fleurets mouchetés entre Philomena, magistralement interprétée par Judi Dench, et Martin Sixsmith, dont le rôle est servi par un brillant Steve Coogan. Elle, victime d’une des pires injustices qui puisse exister, le vol de son enfant, ne veut pas vivre avec la colère et la haine au cœur. Quand, revenu en Irlande, le journaliste se précipite physiquement sur une des sœurs survivantes - qui ne renonce à aucune de ses certitudes ! -, Philomena lui lance : « Comme je vous plains ! Cela doit être épuisant de vivre avec cette colère ». Et quand il lui répond : « C’est trop facile de leur pardonner ainsi ! », elle a ses mots : « Oh, non, c’est très difficile croyez-moi ». Fantastique duo que ces deux acteurs, qui se grandissent mutuellement, l’un se faisant le faire-valoir de l’autre, et réciproquement. Un grand film qui parle, d’une manière rare au cinéma, des sentiments, mais aussi d’une sorte de grâce, cette grâce qui habite Philomena et qui lui permet de continuer à vivre, malgré les injustices vécues et la tragédie de sa jeunesse. A voir. Absolument.

Jean Tonglet

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