Gilles Rebèche, Qui es-tu pour m’empêcher de mourir ?

Ed. de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2008, 207 pages

Jean Tonglet

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Gilles Rebèche, Qui es-tu pour m’empêcher de mourir ? Ed. de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2008, 207 pages

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Jean Tonglet, « Gilles Rebèche, Qui es-tu pour m’empêcher de mourir ? », Revue Quart Monde [En ligne], 205 | 2008/1 et 2, mis en ligne le 01 octobre 2008, consulté le 16 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9181

Quand il avait 15 ans, avec un camarade de collège, Gilles Rebèche s’est retrouvé par erreur dans la cité de transit du Fort-Rouge, sur les pentes du Mont Faron à Toulon. Accueillis par une nuée d’enfants, ils sont emmenés vers un local à l’entrée de la cité, surmonté d’une pancarte « Pré-école Art et Poésie ». Ils y rencontrent les deux volontaires d’ATD Quart Monde qui y travaillent et qui, loin de leur demander ce qu’ils pouvaient bien faire là, les interpellent, enthousiastes : « C’est sympa de venir nous aider ! Revenez pour les enfants, ce serait bien de les accompagner pour jouer au foot ou mieux encore pour animer la bibliothèque de rue dans la cité ! ». Le récit de cette découverte ne déclencha pas l’adhésion de ceux à qui Gilles en parla, mais au contraire une série de mises en garde et d’invitations à la prudence. A contrario, cela accrut son désir de revenir à la cité de transit, qui devint pour lui une école de vie. Tel est le point de départ de ce livre passionnant, agréable à lire, qui donne à connaître et à aimer, au fil des chapitres, des hommes et des femmes qui ont croisé la route de Gilles Rebèche. Les uns étaient des hommes et des femmes marqués par la misère, d’autres venaient d’horizons les plus variés, mais ont accepté d’être bousculés dans leurs habitudes, dans leur vision du monde, par ce que Gilles leur transmettait, avec vigueur parfois, mais toujours avec beaucoup de fraternité aussi, de la vie des plus pauvres de Toulon et sa région.

Après des études de théologie, Gilles Rebèche rejoint le Mouvement ATD Quart Monde, à la fin des années 70, pour y effectuer son service civil. Après quelques mois en région parisienne, le père Joseph le renvoie dans sa région d’origine, le Var, pour soutenir l’équipe de Toulon ainsi que l’équipe régionale de Marseille, et les aider à organiser une grand rassemblement d’enfants à l’occasion de l’Année internationale de l’enfant, en 1979. Quelques jours après son retour à Toulon, Gilles est appelé au secours par ses voisins. Un homme vient de se taillader les veines, il se vide de son sang. Gilles est pressé d’intervenir, il pose un garrot. A deux reprises, l’homme perd conscience, puis se réveille et interpelle Gilles : « Mais qui es-tu pour m’empêcher de mourir ? ». Une interrogation qui, des années après, habite le cœur de l’auteur, au point d’en avoir fait le titre de son récit. En 1982, après la création par l’évêque de Fréjus-Toulon d’une diaconie vouée à redécouvrir le sens et le goût de la fraternité avec les plus pauvres dans l’ensemble du diocèse, Gilles Rebèche est ordonné diacre, et attaché à cette diaconie. Au gré de rencontres avec des personnes précises, qu’ils s’agissent d’hommes et de femmes vivant à la rue, de familles gitanes, de travailleurs immigrés sans-papiers, de « roms » aujourd’hui, des réponses sont recherchées, ensemble, en cherchant à mobiliser les partenaires adéquats, en faisant appel aux pouvoirs publics et à leur responsabilité propre, en faisant appel à l’Eglise et à ses communautés. On est frappé, au fil des pages, de l’inventivité des uns et des autres. Elle est telle qu’on a parfois du mal à se retrouver dans le foisonnement d’initiatives auxquelles la diaconie a prêté son concours.

Ce livre passionnant parlera, certes, à toutes celles et ceux qui dans l’Eglise, dans les églises en général, cherchent à réinventer une manière de vivre la charité en notre temps. Mais il parlera aussi à toutes celles et ceux, qui sans se reconnaître d’une église ou d’une confession religieuse quelconque, cherchent simplement à entendre le cri des plus pauvres et tentent de s’en faire les partenaires, au service de leur quête incessante de respect et de dignité.

Jean Tonglet

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