Ken Loach, Raining Stones

Claire Fondet et Quyen Tran

Référence(s) :

Ken Loach, Raining Stones, film britannique, 1993, Prix du Jury au Festival de Cannes 1993

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Référence électronique

Claire Fondet et Quyen Tran, « Ken Loach, Raining Stones », Revue Quart Monde [En ligne], 149 | 1993/4, mis en ligne le 01 juin 1994, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3321

Il est des films qui n’ont besoin ni de démonstrations, ni de messages appuyés, ni d’images chocs, ni de dialogues détonants. Prix du Jury du Festival de Cannes 1993, Raining Stones est de ceux-là, qui simplement, et avec humour, nous font nous approcher des personnages, et les découvrir.

Dans la banlieue de Manchester frappée par la crise économique, en Angleterre, deux copains, Tommy et Bob, unis dans leur infortune de chômeurs.

Malgré les hésitations de sa femme, Anne, Bob tient à offrir à leur fille, Coleen, une robe neuve le jour de sa première communion. Non pas pour faire la nique aux autres, à ceux qui, parce qu’ils en ont les moyens, peuvent se payer le luxe d’avoir ce jour-là une tenue ordinaire ; c’est une question de fierté, plus que cela, une question de dignité, et aussi de tendresse. Le désir et la volonté de réaliser ce geste d’amour ne décuplent-ils pas en Bob la force et la volonté de lutter ? Le voilà qui s’en va tous les matins chercher du travail, s’acharnant à décrocher un emploi, s’improvisant, au besoin, égoutier, videur de boîte de nuit. Pourvu que cela permettre de réunir le prix de la robe.

Endetté, pris à la gorge, incapable de rembourser ses usuriers, Bob frôle la catastrophe. Et c’est au bord du gouffre que sa condition d’« écrasé » vient fracasser et transformer le sens de la solidarité de son entourage : c’est ainsi que le père Barry, chez qui Bob cherchait conseil, est passé d’une charité bien conventionnelle à une saine révolte devant l’injuste sort qui accable son paroissien.

Les personnages de ce film sont des exemples d’amour paternel et maternel, de courage, de solidarité qui appellent en retour le respect. Avec pudeur, le réalisateur capte le désarroi de Tommy qui pleure d’avoir accepté l’argent que lui donne sa fille ; de même la tentative de suicide d’une femme de la cité à bout de force nous est-elle relatée par le chuchotement de ses voisins et par un mouvement de caméra délibérément furtif.

Mais Raining Stones déborde d’humour, et très souvent la connivence du spectateur avec les personnages passe par de grands fous rires. Parce que, pour Ken Loach, « le rire est une affaire de dignité (…) » et parce que « pour des gens qui vivent des choses très dures, l’humour est le seul moyen (…) de rendre supportable l’insupportable. »1

Ken Loach disait : « la colère n’est pas un sentiment vain, mais c’est la dernière étape avant le désespoir. » Et cependant, la fin du film s’ouvre sur l’espoir, sur un avenir.

1 Propos recueillis par Marie Colmant, parus dans Libération, 22-23 mai 1993.

1 Propos recueillis par Marie Colmant, parus dans Libération, 22-23 mai 1993.

Claire Fondet

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