Apartheid - Esclavage – Misère

Olivier Gerhard

Traduction(s) :
Apartheid - Slavery - Extreme poverty. The Despouy Report.

Citer cet article

Référence électronique

Olivier Gerhard, « Apartheid - Esclavage – Misère », Revue Quart Monde [En ligne], 162 | 1997/2, mis en ligne le 01 décembre 1997, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/647

En juin 1996, Leandro Despouy présentait devant la Commission des droits de l’homme des Nations unies, le rapport final sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté. Ce document a fait l’objet de la résolution 97/11, adoptée par consensus, de la cinquante-troisième session de la Commission, en mars 1997. (article rédigé à partir du Rapport final sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté ; rapporteur spécial, M. Leandro Despouy ; E/CN.4Sub.2/1996/13, 28 juin 1996)

En 1948, est adoptée la Déclaration universelle des droits de l'homme pour qui « l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libérés de la terreur et de la misère a été proclamée comme la plus haute aspiration de l'homme ». Presque trente ans plus tard, en 1987, ce lien entre misère et droits de l’homme est évoqué devant la Commission des droits de l’homme des Nations unies par le père Joseph Wresinski. Ce dernier demande que la question de l'extrême pauvreté soit examinée comme une atteinte à l'ensemble des droits de l'homme qui sont, insiste-t-il, indivisibles. M. Leandro Despouy, ambassadeur de l'Argentine auprès de cette Commission est très impressionné par l’intervention du père Joseph Wresinski. Il le rencontre et décide de donner suite à sa demande. Peu à peu, la délégation française reprend cette question à son compte et, au cours de la période 1990 à 1994, la Commission établit annuellement une résolution pour donner un cadre à l’étude, dont M. Despouy sera le rapporteur, qui doit :

  • « tirer profit de l'expérience et de la pensée des plus pauvres et de ceux qui sont engagés à leur côté pour une meilleure connaissance de l'extrême pauvreté ;

  • mettre en évidence les efforts des personnes très pauvres pour pouvoir exercer leurs droits et participer pleinement au développement de la société où elles vivent ;

  • faire ressortir les conditions permettant à ces personnes et familles de devenir partenaires dans la réalisation des droits de l'homme »

L’étude doit également tenir compte du rôle de la famille et s'appuyer sur les recommandations du Sommet sur le développement social qui s’est tenu à Copenhague en mars 1995 ainsi que sur le séminaire Extrême pauvreté et déni des droits de l’homme qui a réuni, en octobre 1994, à New York, des experts de deux types : des personnes vivant dans l'extrême pauvreté et des spécialistes mondiaux des droits de l'homme.

La misère, un fléau.

Le rapport recense ce que les documents internationaux mentionnent au sujet de la misère. Ainsi, « la tueuse la plus impitoyable et la plus efficace, qui est aussi la principale cause de souffrance sur cette terre est classée par l'OMS1 sous le code Z 59.5 : il s'agit de la pauvreté extrême. » « On estime à plus de cent millions le nombre d'enfants des rues. Un enfant sur cinq naît dans la pauvreté. » « Un milliard de personnes vivent avec moins d'un dollar par jour, mais on s'aperçoit que l'on ne peut pas mesurer que l'argent, il faudrait mesurer les « privations aiguës en ce qui concerne les besoins fondamentaux de l'être humain (nourriture, logement, eau salubre, santé, éducation, accès aux services sociaux) » Mais l'ensemble de ces connaissances et de ces données est très insuffisant. En effet, les personnes très pauvres ne sont pas atteintes par les statistiques. Par ailleurs, les paramètres d’analyse ne sont pas toujours adaptés aux situations de précarité. Par exemple, on mesure les dépenses des pauvres qui sont supérieures à leurs ressources car ils achètent à crédit et sont souvent endettés. Les politiques et les scientifiques ne font preuve que de très peu d’intérêt pour les populations les plus démunies. Il n’est pas rare que les chiffres soient manipulés, ce qui les rend peu sûrs.

Travaux des institutions et organisations internationales.

L'analyse des travaux menés ces dernières années par les institutions internationales montre une lente évolution. Autrefois, la pauvreté était uniquement considérée sous l’angle économique. Depuis quelques années, une approche tenant compte des aspects sociaux, culturels et économiques se développe. Le PNUD fait de grands efforts pour intégrer des mesures du développement humain et non plus seulement du développement économique. Il cherche également à mesurer l'ampleur du développement au niveau d'un pays sans négliger la répartition géographique, culturelle... des bénéfices tirés de l'essor économique. La Banque mondiale reconnaissait en 1996 que « sans développement social, il ne peut y avoir de développement économique durable et suffisant ». Cependant, pour d’autres instances internationales telles le F.M.I2, les progrès sont beaucoup plus lents.

S’appuyant sur les conclusions du Sommet sur le développement social tenu à Copenhague, le rapport relève que :

  • les programmes de développement doivent avoir pour objectif l'insertion sociale de tous ;

  • la misère empêche l'individu de jouir pleinement de ses droits et le place dans une situation telle qu'il lui est impossible d'assumer ses responsabilités ;

  • il y a un lien entre pauvreté, isolement et exclusion ;

  • la pauvreté est multidimensionnelle ;

  • il est indispensable d'associer les pauvres à l'élaboration, à l'exécution, au suivi et à l'évaluation des programmes qui les concernent ou qui concernent la société tout entière ;

  • il faut reconnaître le rôle de la famille dans la lutte contre la pauvreté ;

  • la pauvreté et l'extrême pauvreté existent dans tous les pays du monde ;

  • il faut distinguer pauvreté et extrême pauvreté.

Une approche de l'extrême pauvreté en terme de droits de l'homme.

Lorsqu'on expose aux personnes vivant dans l'extrême pauvreté le contenu des droits de l'homme, elles affirment : « Ce n'est pas pour nous. » Pourtant, les très pauvres sont sujets de droits qui, par leur résistance à la misère, se trouvent en fait au rang des défenseurs des droits de l'homme, comme ces familles qui accueillent dans leur logement surpeuplé d'autres personnes à la rue. « Chez nous, disent-elles, on ne laisse pas quelqu'un à la rue »

A partir de ces prémices, le rapport étudie trois principes fondamentaux des droits de l'homme et douze droits particuliers. Pour chacun, il cite des textes internationaux qui fondent ces droits et des exemples tirés de l'expérience des plus pauvres afin de montrer comment ces droits sont bafoués.

• Trois principes

- L'égale dignité de tous les êtres humains : « Ce n'est pas normal qu'on nous traite ainsi, on est pourtant des hommes, nous disent souvent les personnes très pauvres. Nous avons l'impression que nous sommes des chiens. Mais pour les chiens, dans le parc de dressage au milieu du quartier, il y a de l'eau, de l'électricité, alors que nous n'en avons pas. C'est une vraie injustice. » Ces atteintes à la dignité poursuivent les personnes très démunies tout au long de leur vie et même jusqu'à leur mort, comme en témoigne le fait suivant rapporté par une personne engagée aux côtés d'une famille vivant dans la misère. « Dans un bidonville d'Amérique latine, une femme avait illicitement accueilli son frère malade, à la sortie de l'hôpital. Lorsque le propriétaire s'aperçut que le frère était mourant, il exigea, sous peine d'expulsion, qu'il soit transporté la nuit, dans la rue pour ne pas avoir à payer les frais d'enlèvement du corps. Cet “inconnu”, trouvé mort dans la rue, fut donc enterré de manière anonyme. » De telles situations sont à ce point révélatrices de l'extrême pauvreté que le PNUD a incorporé parmi ses indicateurs l'impossibilité pour les très pauvres d'enterrer décemment leurs morts.

- Le principe d'égalité et de non-discrimination : Le rapport relève que le principe de libre circulation des personnes à l'intérieur de l'Union européenne exclut explicitement celles qui ne peuvent apporter la preuve qu'elles « disposent des ressources suffisantes pour ne pas tomber à charge de l'assistance du pays d'accueil ».

- L'enchaînement de précarités met en évidence l'indivisibilité et l'interdépendance des droits de l’homme. Un participant d'Amérique latine au Séminaire Extrême pauvreté et déni des droits de l'homme a ainsi témoigné : « Sans logement, sans eau potable, sans électricité, sans une nourriture suffisante, sans travail, sans revenu minimum ou d'autres ressources, il n'est tout simplement pas possible d'être en bonne santé, de veiller à ce que ses enfants aillent à l'école, de participer aux activités locales, y compris les festivités voire les anniversaires, de participer au processus politique en tant que citoyen, ou même de voir sa vie de famille respectée »

• Douze droits :

- Le droit à un niveau de vie suffisant : « Auparavant, nous ne savions jamais de quoi nous allions vivre demain. A partir du moment où nous pouvons compter sur un revenu régulier et fixe, nous osons faire des démarches nouvelles. Ceux d'entre nous qui n'avaient absolument rien, aucune sécurité, ont dû apprendre à vivre avec une somme d'argent fixe. Après ils ont pu commencer à apprendre à lire et à écrire »

- Le droit au logement : Un homme d'Asie décrit la situation en ces termes : « Notre vie est une vie d'errance. On va de taudis en taudis, vivant près des décharges, sous des ponts ou dans des cimetières ou même à la rue. Quand on vit dans ces conditions, il est extrêmement difficile de se faire soigner. De plus, il faut faire de petits travaux particulièrement pénibles et durs pour la santé »

- Le droit à l'éducation : « Le logement de la famille étant construit sur un terrain squatté, il ne peut être considéré comme un domicile légal et dans ce pays, ni les biens ni les personnes ne peuvent avoir d'existence juridique en dehors d'un lien légalisé avec la terre. De ce fait, la mère de famille ne peut obtenir de certificat de résidence qui permettrait à ses enfants d'aller à l'école publique »

- Le droit au travail : A cet égard, un homme témoigne : « J'aime ma famille. Tous les jours, je sortais tôt de chez moi à la recherche d'un travail afin d'apporter quelque chose à manger à ma femme et à mes enfants. Tous mes efforts étaient vains. Quand je rentrais chez moi le soir, je ne sais comment ils s'étaient débrouillés pour trouver de quoi manger. La nourriture me restait en travers de la gorge. Je me sentais inutile et en plus je leur retirais un peu de la nourriture qu'ils avaient gagnée. J'étais une charge pour eux, et c'est pour cela que je suis parti »

- Le droit à la santé : « Dans mon immeuble, il y a une femme qui a une mauvaise santé. Elle a mal aux poumons et ne veut pas se faire soigner, parce que son mari ne peut pas s'occuper tout seul de leurs quatre enfants. Elle a peur qu'on lui place les enfants si elle va à l'hôpital »

- Le droit à la protection de la famille : Une femme d'Amérique du Nord a déclaré : « J'étais dans un centre d'hébergement avec mes enfants. Là, le service social me surveillait de si près que je n’osais rien faire. Je n'osais pas corriger mes enfants quand ils avaient fait une bêtise. Si on nous entendait crier, immédiatement quelqu'un du Bureau du bien-être de l'enfant venait voir ce qui se passait. J'avais tellement peur qu'on me retire mes enfants que je n'osais rien faire. Mes responsabilités de mère, je ne les ai exercées vraiment que lorsque j'ai pu sortir de ce lieu et avoir un appartement. Mon fils avait huit ans »

- Le droit au respect de la vie privée : L'intervention des services sociaux peut parfois être vécue comme une immixtion arbitraire dans la vie privée. « Quand on vit dans la misère, on nous dit parfois : "Si vous restez avec votre mari - ou avec votre femme - on vous place vos enfants." On n'a pas le droit de nous dire ça. On a tout fait ma femme et moi, on s'est même séparés pour qu'ils ne touchent pas aux enfants. On a même fait une déclaration à la police pour le prouver, alors qu'on n'est pas mariés ! De quel droit ils se permettent cela ! »

- Le droit à la personnalité juridique et à l'inscription sur les registres d'état civil : De nombreux enfants et adultes qui vivent en extrême pauvreté ne figurent pas sur les registres d'état civil. En conséquence, ils n'ont aucune existence juridique et, de ce fait, n'ont accès à aucun droit ni à aucune protection.

- Le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique : Le rapport rappelle que la vie et l'intégrité physique des enfants qui vivent dans la rue sont constamment menacées par la drogue, la prostitution, qui peuvent entraîner le SIDA, des violences de tout type, des enlèvements, des assassinats, des arrestations…

- Le droit à la justice : Si les personnes très pauvres ne peuvent être soutenues et représentées devant la justice par des associations, les atteintes aux droits de l'homme dont elles sont victimes restent impunies.

- Le droit de participer à la vie politique : « Quand je me suis présenté au bureau de vote pour me faire inscrire on m'a dit : « Non, vous sortez de prison, vous n'avez pas le droit de voter ». En réalité, ils s'étaient trompés, c'est mon père qui avait fait de la prison. Quand je suis allé à la gendarmerie pour faire rectifier, ils m'ont répondu : « Les défauts de l'un, c'est les défauts de l'autre ». Et ils n'ont rien fait pour que je puisse voter »

- Le droit de participer à la vie sociale et culturelle : La culture n'est pas un « plus » que l'on apporterait une fois tous les autres droits assurés. « La culture, c'est avoir des connaissances qui permettent d'être autonomes, de se diriger dans la vie et de pouvoir réfléchir, disent les participants d'une Université populaire Quart Monde3 C'est aussi ce qui nous relie aux autres, ce que l'on peut apporter aux autres, ce que nous apprenons les uns des autres et qui permet de nous respecter »

Pour une définition juridique de l'extrême pauvreté.

S’appuyant sur tous les témoignages recueillis, le rapport reconnaît que la misère est la négation de l'ensemble des droits de l'homme. Elle enferme les personnes dans un « cercle vicieux horizontal » dans lequel les précarités s’entraînent, se cumulent et s’aggravent mutuellement. Elle les maintient dans un « cercle vicieux vertical », mis en évidence par le fait que très souvent, l’extrême pauvreté se transmet de génération en génération. Sa plus grande conséquence dans la société est l’exclusion. Il est indispensable de prendre comme point départ la façon dont les très pauvres expriment leur souffrance pour établir des critères permettant de la mesurer.

Comment parler avec respect de ceux qui, à cause de la misère, sont plongés dans la déchéance ? « Dépeindre les aspects les plus terribles de la misère sans faire le jeu de ceux qui ont un regard discriminatoire à l'égard des plus pauvres devient ainsi un véritable dilemme. » Pour résoudre ce dernier, M. Despouy choisit de comparer l’extrême pauvreté à l'apartheid ou à l'esclavage. En effet, dans ces trois situations, il y a négation de l'ensemble des droits de l'homme, il y a des personnes qui ne sont plus vues comme des êtres humains. « La misère est le nouveau visage de l'apartheid », disait Nelson Mandela au Sommet sur le développement social à Copenhague.

Il faut donc aller vers une nouvelle prise de conscience de l'extrême pauvreté par un changement de regard : connaître, sortir des préjugés et de la culpabilisation, apprendre à réagir juste. « Les riches ont tiré un rideau sur la pauvres, et sur ce rideau, ils ont peint des monstres »4 Il faut valoriser les efforts faits par les plus pauvres. Leurs gestes traduisent une volonté de lutte, même si celle-ci ne produit que de maigres succès, de modestes triomphes et de multiples échecs. Il faut créer une connaissance et une confiance mutuelle, accepter les pauvres comme partenaires afin d’atteindre le plus pauvre et parvenir à un développement communautaire qui n’exclut personne. « L'être humain qui se cache sous le masque hideux de la misère ne pourra se réaliser dans toute sa plénitude que s'il peut exercer effectivement tous ces droits et responsabilités »

Recommandations.

La principale recommandation faite dans ce rapport est de réunir autour d’une même table les humanistes - droits de l'homme - et ceux qui gèrent les ressources - PNUD, Banque mondiale, F.M.I. - car c'est en réconciliant humanisme et réalisme que la misère disparaîtra et que « les riches et les pauvres voyageant sur une même planète cesseront de s'acheminer vers des directions opposées ». Par ailleurs, il serait souhaitable que la Commission des droits de l'homme fasse une étude sur la manière dont les ONG mettent en œuvre les droits de l'homme pour tous. Il faudrait également assurer la participation des plus pauvres aux mécanismes de contrôle des droits de l'homme, par exemple à travers leurs associations représentatives. Il est nécessaire de renforcer l’éducation aux droits de l’homme et d’assurer un suivi des recommandations prises lors du Sommet à Copenhague. Au niveau national, chaque Etat a le devoir de promouvoir des lois-cadres pour une politique globale de lutte contre l’extrême pauvre en association avec les plus démunis.

La misère, nouveau visage de l’apartheid

Extraits p. 41 et 42 du Rapport final sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, présenté par le Rapporteur spécial, M. Leandro Despouy, E/CN.4/Sub.2/1996/13, 28 juin 1996

186. L’une des principales difficultés rencontrées par le Rapporteur spécial dans l’élaboration de la présente étude a été, aussi paradoxal que cela puisse paraître, d’éviter que son attachement et sa fidélité à la description des faits - aussi utile qu’indispensable - ne trahissent le message transmis par ceux qui vivent dans une extrême pauvreté. Autrement dit, comment faire pour décrire avec véracité les conditions de vie lamentables, les souffrances et, surtout, la déchéance que la misère provoque chez les individus, sans en donner une version fataliste, laissant entendre que les personnes qui y sont tombées ne pourront jamais s’en sortir ou, pis encore, que leur déchéance est telle qu’elles ne sont déjà plus des êtres humains comme les autres, ce qui reviendrait à alimenter involontairement des arguments racistes ou xénophobes ? Dépeindre les aspects les plus terribles de la misère sans faire le jeu de ceux qui ont un regard discriminatoire à l’égard des plus pauvres devient ainsi un véritable dilemme.

187. Pour le résoudre, le Rapporteur spécial a décidé de prendre pour référence d’autres situations semblables faisant ressortir l’engrenage infernal des discriminations. Tel est le cas, par exemple, de l’apartheid. Comment le régime raciste et colonialiste de l’Afrique du Sud a-t-il pu justifier et mettre à exécution une politique d’exclusion sociale et de surexploitation de la population noire ? Le mécanisme dont il s’est servi pour atteindre des objectifs aussi ignobles consistait en une négation délibérée des droits économiques, sociaux, politiques et culturels de cette population, le fondement raciste (de sinistre mémoire) établi à cet effet permettant de refuser à celle-ci des conditions identiques à celles des autres humains. L’esclavage a produit un phénomène équivalent. Au-delà des motivations purement économiques et utilitaires des deux systèmes, les fondements idéologiques étaient semblables : l’esclave n’était pas considéré comme un être humain et, partant, était privé de tous les droits.

188. Force est de reconnaître que la similitude que présentent ces deux situations ne tient pas seulement à la négation totale des droits que chacune entraîne, mais également aux difficultés que pose leur description. Si l’on dépeint, par exemple, les terribles conséquences de l’esclavage et le niveau de déchéance auquel il peut aboutir, l’interprétation qui pourrait en être donnée - ce que font les esclavagistes - est que l’être humain, avili par la servitude, était effectivement un objet, et par conséquent, ne méritait pas un traitement égal à celui des êtres humains. Cependant, c’est sous l’impulsion des luttes entreprises par les esclaves eux-mêmes et des idéaux de la pensée humaniste que l’on a reconnu l’égalité de dignité de tous les êtres humains et que l’on a pu reconnaître l’être humain derrière sa condition d’esclave. On a ainsi pu voir comment cet être, jusqu’alors considéré comme un objet par les esclavagistes, devenait - dans la mesure où il pouvait exercer ses droits sur un pied d’égalité - un être humain dans l’ensemble de son comportement, même aux yeux de ceux qui le niaient. On a vu également comment en Afrique du Sud, après avoir obtenu la reconnaissance de ses droits individuels et de ses libertés fondamentales, la population noire a entamé, de concert avec ceux qui l’avaient exclue, un des processus politiques les plus originaux et les plus exemplaires de ce siècle, laissant loin derrière elle, et à marche forcée, les traces de cette forme contemporaine d’esclavage qu’était l’apartheid.

1 Organisation Mondiale pour la Santé.

2 Fonds Monétaire International.

3 Lieu public de rassemblement, de formation et d’échanges entre les familles du Quart Monde et ceux qui les reconnaissent comme partenaires.

4 Charles Booth, sociologue anglais, connu pour son enquête sociale sur la population londonienne, Life and Labour of the People (1889).

1 Organisation Mondiale pour la Santé.

2 Fonds Monétaire International.

3 Lieu public de rassemblement, de formation et d’échanges entre les familles du Quart Monde et ceux qui les reconnaissent comme partenaires.

4 Charles Booth, sociologue anglais, connu pour son enquête sociale sur la population londonienne, Life and Labour of the People (1889).

Olivier Gerhard

Articles du même auteur

CC BY-NC-ND