Le reportage1 commence dans une classe de CM2 au sud du Sénégal. Sur 72 élèves, la moitié n’avait pas d’état civil, donc pas de possibilité de passer l’examen pour entrer en sixième.
Un instituteur s’engage pour aider les parents à faire les démarches afin d’obtenir des extraits de naissance pour leur enfant.
Sur 922 élèves, la moitié d’entre eux ne sont pas déclarés à la naissance, alors une association se constitue et mène des réunions d’information avec l’aide des chefs de villages. Dans les quartiers, la collaboration se fait avec les imams et les prêtres qui sont présents dans leur communauté tout au long de la vie. Les enfants eux-mêmes rassemblés en association manifestent pour réclamer des papiers d’état civil.
Les parents sont parfois sans identité eux-mêmes. Quand l’accouchement a lieu à la maison, il faut que les parents se déplacent ; en milieu rural cela constitue un obstacle non négligeable, d’autant que l’administration locale demande parfois plusieurs déplacements successifs !
Au Mali
Dans ce pays, les enfants sans certificat d’état civil ne sont pas admis à l’école dès la classe de CP et n’ont d’autres choix que devenir « petit talibé », c’est-à-dire enfant d’une école coranique, où ils iront mendier la moitié de la journée pour le maître. On les voit tentés par l’argent,… et fragiles.
Ces enfants « fantômes » quittent l’école pour travailler, être mariés très jeunes ; ils peuvent devenir la proie de tous les trafics, devenir des enfants-soldats…
Au Burkina Faso
Un ingénieur africain du Burkina Faso, Adama Sawadogo a inventé un système pour la saisie informatique de l’identité de l’enfant par un petit bracelet disposant d’un QR Code. À l’aide d’un smartphone, le bracelet est scanné, l’identité des parents est saisie et le tout est transmis par SMS à un serveur qui centralise les données. Celui-ci est en lien avec un organisme qui dispose des moyens d’imprimer une fiche de naissance signée par l’Autorité compétente. Cela rend possible la mise en place d’un état civil pour tous pour un coût faible.
« Avec iCivil, nous arriverons à donner un droit fondamental à l’ensemble des enfants des campagnes et des villes. Ces citoyens n’en demandent pas plus. C’est rendre justice à l’ensemble des enfants de toutes les familles africaines (démunies, modestes) ; et comme on le sait, la justice est le fondement de l’État de droit » disent les co-inventeurs de iCivil.
L’informatique et les innovations technologiques seront-elles une solution pour résoudre ce problème ?... Il y a, dans la capitale d’un des pays, des ordinateurs dans des cartons qui attendent que les structures adaptées soient installées localement. De plus, la modernisation technique ne résoudra sans doute pas tout. Il faudra qu’elle s’appuie sur l’humain.
Le débat du magazine Droit de suite, présenté par Jean‑Pierre Gratien
Le débat, après le film, fait intervenir quatre personnes très engagées à des titres divers dans la recherche de solutions à ce problème : Michel Welterlin, producteur du film ; Laurence Dumont, députée Nouvelle gauche du Calvados ; Marie-Roger Biloa, Présidente du groupe Africa International ; et Juliette Chevalier directrice à l’UNICEF de Plaidoyer et Communication.
Tous les quatre confirment qu’un tiers des enfants ne sont pas déclarés, n’existent pas. Tous soulignent que le droit d’inscription est le premier de tous les droits parce que la non-inscription prive les enfants non seulement d’état civil mais d’école, de travail, de possibilité d’achats – par exemple il est impossible d’acheter un téléphone en Afrique sans présenter une pièce d’identité. Ils soulignent en deuxième lieu que tous les dangers qui guettent les enfants dans les pays pauvres sont décuplés par l’absence de pièce d’identité. On sait qu’ils sont plus facilement endoctrinés, plus facilement tentés par la délinquance et les petits trafics, et même que certains deviennent des enfants-soldats. Tous sont d’accord pour dire qu’il faut plaider la cause encore et encore, sans se décourager.
Parmi les solutions envisagées et proposées : le fait que dans une maternité un membre du personnel puisse remplir le rôle d’officier d’État civil, que la mère puisse déclarer son enfant – car seul le père peut le déclarer actuellement dans nombre de ces pays –, que les objectifs du millénaire de l’ONU soient respectés : l’objectif n° 16 prévoit de donner une identité à tous les enfants.