195 | 2005/3Vivre en sécurité

«Vivre en sécurité ! Jamais sans doute cette aspiration n’a été martelée avec autant de force. Nos biens doivent être en sécurité, nos maisons, nos vies. Notre alimentation doit être sûre, les lieux publics que nous fréquentons aussi. Le principe de précaution devient presque une tyrannie. Nos sociétés occidentales, libérées, en apparence du moins, de l’insécurité du manque […] vivent dans la peur. De l’accident, de l’empoisonnement, des modifications génétiques, du vol, de la violence, du crime, du terrorisme… […]

Dans toutes sociétés, une autre insécurité existe et se développe : celle du manque, de la privation. […]

L’insécurité de l’emploi, avec le développement de la précarité, des salaires bas et intermittents, de l’économie informelle, des stages qui s’empilent. […]

L’insécurité du logement, […] comme on la voit – sans qu’on en parle – quand s’effondrent les baraques accrochées aux flancs des collines, emportées avec leurs habitants par les pluies diluviennes. L’insécurité du revenu, l’insécurité des relations, l’insécurité de la cellule familiale, sans cesse menacée par la misère, et jusqu’à l’insécurité absolue, celle qui vous pousse à vous demander si, dans le regard des autres, vous existez vraiment, vous êtes vraiment un homme. […]

Celles et ceux qui vivent depuis toujours dans l’insécurité ont des choses à nous dire et à nous apprendre. Ils n’ont pas “ la ” réponse – existe-t-elle ? – mais […] ils ne cessent de chercher à faire face à l’insécurité destructrice en créant et recréant la paix dans leurs communautés et entre elles. »